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Abdellah Zaidi : «J’ai fait tout mon possible pour me rappeler les moindres détails du passé»

via Aujourd’hui

Abdellah Zaidi : «J’ai fait tout mon possible pour me rappeler les moindres détails du passé»

Entretien avec Abdellah Zaidi, Avocat au barreau de Tanger

Dans ce cet entretien Abdellah Zaidi, avocat au barreau de Tanger, parle de son expérience en tant que détenu politique pendant les années de plomb.

ALM : Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour écrire ce livre?

Abdellah Zaidi : Franchement, cette période de ma vie fut une épreuve difficile et douloureuse qui continue de me hanter. Elle a laissé des traces profondes en moi. Comme c’est d’ailleurs le cas pour les autres détenus politiques, qui ont contribué chacun de son côté à jeter la lumière sur leur expérience carcérale et puis cette phase de justice transitionnelle et la mise en place de l’Instance équité et réconciliation au Maroc. Ils ont bien réussi, à mes yeux, à décrire cette partie de l’histoire avec beaucoup de créativité, et ce par des écrits, de témoignages, des peintures, des dessins animés et des films. J’ai été toujours persuadé que tout a été dit sur la détention politique et les gens connaissent ma  propre expérience à travers ces œuvres. Mais il n’en empêche que je sentais comme une voix en moi qui me poussait à m’exprimer sur cette période de ma vie, à répondre aux questions des gens et de ma famille, en particulier mes enfants, qui en ont eu assez d’entendre «ton papa était un prisonnier».

Pourquoi avez-vous intitulé votre livre «Al Ousfour» (Le moineau)?

L’idée du titre m’est venue d’un poème du défunt poète Abdelatif Fouadi qu’il avait intitulé «Al Ousfour» et qu’il m’avait dédié à l’époque de ma détention. Ce qui lui avait valu d’être incarcéré à son tour et de subir la torture pendant les années de plomb. Après notre libération, nous avons continué ensemble notre militantisme au sein de l’Association marocaine des droits humains. L’idée du titre m’est venue aussi du film égyptien «Al Ousfour » du célèbre cinéaste Youssef Chahine, qui symbolise en quelque sorte la liberté dans sa signification la plus large. Ce livre se distingue par le fait qu’il raconte l’histoire d’un avocat pendant l’exercice de son devoir professionnel et comment il s’est retrouvé emprisonné par le pouvoir et sans connaître son vrai crime.

Quels sont les messages que vous voulez véhiculer à travers cette œuvre?

Comme je viens de le dire, j’ai décidé pour la première fois, trois décennies et demie après ma sortie de prison, de publier ce livre. J’ai fait tout mon possible pour me rappeler les moindres détails du passé : les courriers en période de détention, des documents et données concernant les procès, les interrogatoires, les audiences, les plaidoiries, les témoignages, les visites aux détenus,…, qui ont été traités dans les œuvres des autres détenus politiques, dont la publication avait précédé la mienne. J’ai voulu mettre à nu la vie infernale dans le monde carcéral de cette époque, et ce avec beaucoup d’ironie et d’humour. J’ai voulu montrer comment j’ai pu avec d’autres détenus politiques faire face à l’injustice et aux affres de l’emprisonnement et comment j’ai réussi à ma manière à combattre la routine de la prison par le chant et l’écriture.

Quel est l’apport de ce genre de livre pour la littérature carcérale au Maroc?

Je ne peux pas nier le fait que mon livre fasse partie des écrits relevant de la littérature carcérale. C’est un travail créatif qui se distingue par un récit circonspect et unique des faits par rapport de ce qui avait été déjà dit jusque-là. Ce genre de livre ne peut être seulement une biographie circonstancielle de Al Ousfour, mais il a voulu plutôt déployer ses ailes vers d’autres personnes qu’il a côtoyées pendant son incarcération telles que les prisonniers d’opinion, les juges, les geôliers, les familles des détenus politiques,… Je suis très satisfait de l’accueil qu’il continue d’avoir auprès du lectorat et des critiques littéraires.

Est-ce que votre métier d’avocat vous empêche de vous lancer dans l’écriture?

Il se peut que mes occupations et mes contraintes professionnelles d’avocat aient été à l’origine de ce grand retard dans la publication de «Al Ousfour». Mais j’ai eu toujours un penchant pour la culture en général. Ce qui m’a permis d’exercer pendant un certain temps dans les domaines littéraires, la critique, le droit, le dessein et le cinéma. Je suis en train de travailler sur d’autres projets dans le domaine d’études et de recherches en rapport avec mon domaine.

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