Politique

Conseil de sécurité : une nouvelle configuration plutôt favorable au Maroc et sa Cause nationale

Via Lematin.ma

L’Albanie, le Brésil, le Gabon, le Ghana et les Émirats arabes unis ont pris leurs fonctions, mardi 4 janvier en tant que membres non permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Les cinq pays ont un mandat de deux ans. À l’exception de l’Albanie, les pays nouvellement élus ont déjà siégé au sein de l’instance exécutive de l’ONU. Le Brésil a siégé dix fois auparavant, le Gabon et le Ghana trois fois chacun et les Émirats arabes unis une fois. Quels pourraient être les implications de l’élection de cinq nouveaux membres non permanents du Conseil de sécurité sur la question du Sahara marocain ? quelle est leur position par rapport à ce dossier ? Éclairage.

Parmi les cinq membres non permanents élus par la 75e session de l’Assemblée générale des Nations unies pour siéger au Conseil de sécurité à partir du 1er janvier 2022 pour un mandat de deux ans, on compte les Émirats arabes unis et le Gabon. Deux alliés majeurs du Maroc, aux positions tranchées s’agissant de l’intégrité territoriale du Royaume.

Le Gabon

Le Gabon, qui a ouvert un consulat général à Laâyoune en janvier 2020, s’est toujours prononcé résolument en faveur de la cause nationale, comme ce fut le cas en juin dernier devant le comité des 24 des Nations unies, où Libreville avait encore une fois exprimé son plein soutien à l’initiative d’autonomie présentée par le Maroc comme solution de compromis à la question du Sahara marocain, soulignant que cette approche était en conformité avec le droit international, la Charte des Nations unies et les résolutions successives adoptées en la matière par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale depuis 2007.

Émirats arabes unis

Dans la même veine, le soutien des Émirats arabes unis au Maroc ne s’est jamais démenti. En novembre 2020, ce pays arabe qui joue un rôle prépondérant dans la géopolitique régionale a également ouvert un consulat général à Laâyoune. Tout comme le Gabon, les Émirats arabes unis avaient réitéré, en octobre dernier devant la Quatrième Commission de l’Assemblée générale de l’ONU, leur soutien à l’initiative marocaine d’autonomie pour trouver une solution définitive à la question du Sahara, tout en rejetant toute atteinte à l’intégrité territoriale du Royaume. Et ce n’est pas tout. Abou Dhabi entend bien tirer parti de sa présence au Conseil de sécurité pour peser sur ce dossier. Sa déléguée aux Nations unies s’est entretenue avec l’envoyé Staffan de Mistura à New York en novembre dernier à cette fin.
Cette tradition de solidarité constante et agissante entre les deux pays frères vient de se décliner tout récemment du côté marocain par une prise de position ferme aux côtés des Émirats arabes unis suite à l’attaque perpétrée par la milice Houthi et ses partisans contre le territoire de ce pays. Dans un entretien téléphonique qu’Il a eu avec Son Altesse Cheikh Mohamed Ben Zayed Al Nahyane, Prince Héritier d’Abou Dhabi et Vice-Commandant suprême des Forces armées émiraties, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a condamné vigoureusement cet acte abject, qui a ciblé des innocents et des installations civiles. Le Souverain a réitéré l’appui ferme du Royaume du Maroc à toutes les mesures prises par les Émirats arabes unis pour défendre leur territoire et la quiétude de leur population face aux attaques ignobles de la milice houthie et ses soutiens. Quant aux trois autres membres non permanents qui ont rejoint le Conseil de sécurité en janvier 2022, on trouve le Ghana, le Brésil et l’Albanie.

Le Ghana

Du côté du Ghana, ce pays anglophone affichait dans le passé des positions proches du polisario, qui a une représentation diplomatique à Accra. Mais ces dernières années, le Ghana tend à se rapprocher du Maroc. La visite de S.M. le Roi Mohammed VI à Accra en février 2017 témoigne de ce rapprochement. En mai dernier, la ministre des Affaires Etrangères du Ghana avait loué les efforts du Royaume en vue de parvenir à une solution politique négociée au différend régional autour de la question du Sahara marocain. La chef de la diplomatie ghanéenne a également réitéré le soutien ferme de son pays à la décision 693 du Sommet des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine de juillet 2018, qui a consacré l’exclusivité de l’ONU comme cadre consensuel du processus devant mener à une solution politique, mutuellement acceptable, réaliste, pragmatique et définitive à cette question.

Il convient de noter que le Ghana a également fait fi de la réunion d’Oran pour «la paix et la sécurité en Afrique», organisée par l’Algérie le 2 décembre dernier, dont l’objectif était d’influencer les États africains membres du Conseil de sécurité et de les rallier à son unique centre d’intérêt, à savoir la question du Sahara marocain. «Nous pensons qu’il y a encore plus de place pour l’amélioration, pour atteindre notre objectif commun d’une Afrique parlant d’une seule voix capable d’influencer le processus décisionnel au sein du Conseil de sécurité de l’ONU», avait déclaré le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, lors de cette réunion qui a viré au fiasco car elle a été également boudée par le Gabon et le Kenya (qui siège au Conseil de sécurité jusqu’au 31 décembre 2022).

L’Albanie

Quant à l’Albanie, qui avait reconnu la pseudo-rasd en décembre 1987 à l’époque où elle faisait partie du bloc communiste, elle allait revenir sur cette reconnaissance en 2004, entamant ainsi une politique de rapprochement avec le Royaume. Ce rapprochement sera sanctionné par le soutien officiel de Tirana à l’intégrité territoriale du Maroc. une position expressément formulée à Rabat par le ministre albanais des Affaires étrangères, Dimitri Bushati, en octobre 2015.

Brésil

En ce qui concerne le Brésil, il convient de noter que ce grand pays d’Amérique latine n’a jamais reconnu la pseudo-rasd. Les relations entre Rabat et Brasilia sont en plein essor et prennent un tournant stratégique soutenu par une forte coopération économique. En octobre 2020, le Président Jair Bolsonaro avait qualifié le Maroc de «partenaire stratégique» pour son pays, tout en se félicitant de l’«important rapprochement politique». Au sujet de la question du Sahara marocain, le ministre brésilien des affaires étrangères, Carlos Alberto Franco França, avait fait part, en juillet dernier, des «félicitations du Brésil au Royaume du Maroc pour ses efforts sérieux et crédibles» et réitéré le soutien de son pays «au processus de l’ONU pour parvenir à une solution juste, réaliste et pragmatique à ce différend régional».
Mieux encore, le Sénat brésilien a été plus explicite dans son soutien aux efforts du Maroc et au plan d’autonomie. Le 4 septembre 2019, il a adopté à une large majorité une motion en faveur de l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale du Royaume. Le président du Sénat, Davi Alcolumbre, qui avait reçu en juin 2019 le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a exprimé ensuite au ministre brésilien des Relations extérieures, Ernesto Araujo, cette volonté des représentants du peuple brésilien de soutenir le Maroc dans son droit légitime de souveraineté sur tous ses territoires.

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Azzeddine Hanoune : «La nouvelle configuration du Conseil de sécurité est certes meilleure que la précédente, mais il faudra rester vigilant»

Professeur de droit public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Ibn Tofaïl

Commentant l’élection des cinq nouveaux membres non permanents du Conseil de sécurité, le professeur en droit public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Ibn Tofaïl, Azzeddine Hanoune, estime qu’«à priori, cette nouvelle configuration marque une évolution plutôt positive pouvant contribuer à renforcer les positions marocaines, notamment en ce qui concerne la question du Sahara». Ainsi, affirme-t-il, «si on prend comme repère la position concernant la question du Sahara, on trouve ainsi deux États amis et frères qui ont constamment soutenu le Maroc sur cette question sans aucune hésitation, à savoir le Gabon et les Émirats arabes unis, qui ont même ouvert des représentations consulaires à Laâyoune». «Les trois États restants ne figurent pas parmi les soutiens inconditionnels et directs des adversaires du Maroc.

Deux, à savoir le Brésil et l’Albanie, avaient retiré leur reconnaissance de «l’État» fantôme autoproclamé par le polisario. Le Ghana, de son côté, affiche depuis des années des signaux de compréhension de la position marocaine, même s’il maintient sa reconnaissance», souligne le professeur en droit public, précisant que «le non-retrait de cette reconnaissance n’est pas toujours synonyme de maintien du soutien aux positions des adversaires. Il s’agit souvent d’une volonté de garder un certain équilibre diplomatique, voire une sorte de neutralité, en privilégiant le statu quo». Ainsi, rappelle M. Hanoune, «il y a juste quelques mois, la ministre des Affaires étrangères du Ghana avait loué les efforts du Maroc pour parvenir à une solution politique négociée du conflit du Sahara». Cette nouvelle configuration est, de l’avis du professeur en droit public, «certes meilleure que la précédente, mais il faudra rester vigilant et ne pas sous-estimer les forces de nuisance des ennemis. On a vu comment un pays à priori ami comme la Tunisie avait subi des pressions énormes le poussant à rompre un certain équilibre dans ses positions sur cette question.

Un pays comme le Ghana pourrait subir des pressions de la part de l’Algérie et surtout l’Afrique du Sud afin d’orienter sa position dans un sens défavorable au Maroc». «Dans tous les cas, et malgré l’énorme confiance dans nos amis afin de préserver nos intérêts supérieurs, on devrait compter aussi sur notre propre énergie et nos propres atouts. La diplomatie marocaine a pu accumuler les performances et immuniser les acquis, le Conseil de sécurité reste un cadre diplomatique universel où on pourrait jauger réellement l’impact de ces performances», dit-il en conclusion.

H O

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Professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V

Zakaria Aboueddahab : «Un membre non permanent ne saurait modifier le rapport de forces existant et la réalité sur le terrain»

«Les membres du Conseil de sécurité agissent, en général, collectivement, pour prendre des décisions. Toutefois, pour des questions substantielles et pour des questions de procédure, le recours au vote est requis, parfois la majorité qualifiée, comme pour l’admission d’un nouveau membre au sein de l’ONU», explique le professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, Mohammed Zakaria Aboueddahab. Et d’ajouter que chaque membre du Conseil de sécurité a le droit de prendre des initiatives, par exemple, attirer les membres du Conseil sur des questions en rapport avec son domaine d’intervention. Ainsi, aux termes de l’Article 34 de la Charte des Nations unies : «Le Conseil de sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.» «Autant dire la force de proposition du Conseil de sécurité et, en quelque sorte, sa force de frappe, compte tenu des moyens qu’il peut mobiliser ou déployer, notamment l’utilisation de la coercition au titre du chapitre VII de la Charte de l’ONU», souligne le professeur des relations internationales, qui rappelle que le chapitre VI, lui, est dédié au règlement pacifique des différends au titre duquel relève le conflit autour du Sahara marocain.

Et de d’affirmer qu’«avoir des pays amis ou des alliés au sein de Conseil de sécurité permettra au Maroc, entre autres, d’appuyer certaines décisions en sa faveur, notamment les résolutions annuelles concernant le Sahara». «Les Émirats arabes unis et le Gabon sont des alliés du Maroc, un peu moins pour le cas du Brésil ou de l’Inde qui, pour rappel, a retiré, en 2000, sa reconnaissance de la prétendue “Rasd”. Les autres pays sont moins sûrs lorsque l’on sait leurs positions contrastées, rarement favorables, pour l’intégrité territoriale du Royaume», souligne professeur Aboueddahab. «On doit quand même souligner les initiatives récentes tendant à resserrer les liens de coopération entre le Maroc et le Brésil, y compris avec le Mercosur (Marché commun du Sud) dont ce grand pays est membre fondateur aux côtés de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay. Nouer un dialogue stratégique avec ce pays permettra au Maroc d’opérationnaliser le concept de l’Atlantique Sud et de disposer d’une profondeur géopolitique en Amérique latine», fait-il observer. «Quant aux pays subsahariens anglophones comme le Ghana ou le Kenya, il y a encore des efforts à fournir sur le plan diplomatique, communicationnel, culturel… pour asseoir les relations du Royaume avec ces pays sur la base de l’entente cordiale et de l’interdépendance», indique encore M. Aboueddahab.

En tout état de cause, «quel que soit le poids d’un pays non membre au sein du Conseil de sécurité, et quelles que soient ses positions, favorables ou hostiles, par rapport au Sahara marocain, il ne saurait modifier le rapport de forces existant et la réalité sur le terrain», dit-il. «Ce sont plutôt les membres permanents du même Conseil qui peuvent agir, certes, collectivement et sans utiliser de veto, pour retenir, par exemple, le Plan marocain d’autonomie comme seul cadre de négociation pour aboutir à un règlement politique final et durable à un conflit qui a trop duré», précise le professeur des relations internationales en conclusion.
 

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