Arts

Diaspo #134 : Bouchaïb Maoual, une vie gravée dans l’art

via Yabiladi

La migration a d’abord été interne pour lui, puisqu’il quitte son village natal près d’Essaouira pour s’installer à Casablanca où il effectue ses études primaires et secondaires, avant de plier bagage pour Tétouan, puis Marseille.

Né le 26 février 1959, l’aventure de Maoual Bouchaïb, connu sous son nom d’artiste Maoual, a ainsi commencé dès son plus jeune âge. Et comme plusieurs grands artistes, son talent a été découvert à l’école. «Je dessinais beaucoup quand j’étais petit. A l’école, je m’occupais de tous ce qui est caricature, dessin ou illustration», nous confie-t-il. C’est au collège que sa vie prendra un tournant décisif lorsqu’une enseignante française découvre son talent et l’oriente vers les Beaux-arts. «C’était pour moi quelque chose de nouveau, car chez moi, il n’y avait pas de tableaux ou d’art», se rappelle-t-il.

C’est ainsi qu’après son baccalauréat, il intègre la prestigieuse école des Beaux-Arts de Tétouan, où il apprendra à «bien peindre et bien dessiner». Dans les années 1980, alors que le Maroc offrait à ses étudiants talentueux l’occasion de poursuivre leurs études supérieures à l’étranger, Maoual Bouchaïb décroche une bourse pour se rendre en Europe. «J’avais pris un billet valable un mois pour les étudiants de moins de 23 ans et on pouvait faire le tour de l’Europe. J’avais trois inscriptions : A Marseille, Paris et Amsterdam», se remémore-t-il.

Un amoureux de Marseille qui vit de son art

Mais une fois arrivée à sa première destination, il tombe immédiatement amoureux de la ville où il s’installera pour le reste de sa vie. «J’ai passé le concours et je l’ai réussi. Et au lieu de me rendre à Paris, je suis resté à Marseille car cette ville m’a aimanté», déclare-t-il.

En arrivant aux Beaux-Arts, Maoual était déjà «privilégié, car c’était un cocon où les professeurs sont des artistes et où les étudiants aspirent tous à devenir artistes». De plus, Marseille a beaucoup contribué à son intégration. «Je n’ai pas eu de problème d’intégration, on se sent Marseillais au bout de quelques mois seulement», ajoute-t-il. Une fois son diplôme supérieur en poche, il devait toutefois «sortir pour affronter la vie».

«J’ai fait des petits boulots, j’étais aussi enseignant pendant une douzaine d’années dans un lycée professionnel. Puis ça a commencé à marcher pour moi. Je ne suis pas devenu riche mais je pouvais vivre de mon art.»

Maoual Bouchaïb

À son arrivée à l’école des Beaux-Arts de Marseille, la «soif d’apprendre de nouvelles techniques» a poussé ce natif d’Essaouira à fréquenter des ateliers spécialisés dans la gravure, la lithographie ou encore la cirographie. «J’ai donc fréquenté des ateliers de ces techniques car j’ai constaté que la peinture et le dessin ne m’intéressait pas trop», explique-t-il.

Un «médium» pas comme les autres

Aujourd’hui, il est l’un des rares artistes marocains à s’exprimer à travers la gravure dite «Taille-douce» (procédés de gravure en creux sur une plaque de métal, ndlr), non pas sur des matériaux ordinaires, mais sur des…plaques industrielles.

«Nous, artistes issus de la culture musulmane, n’avons pas de la peinture sur toile tendue sur châssis dans notre mémoire collective. Nous sommes iconoclastes», constate-t-il. Et bien que l’art géométrique existe dans la culture musulmane, Maoual choisit ainsi la gravure sur un matériel spécial. «Je fais de la gravure, non pas sur le cuivre car trop inscrit dans l’histoire de la gravure et l’artisanat marocain, mais sur des plaques industrielles récupérées», nous explique celui qui se considère comme un «artiste engagé dans l’art contemporain». Un «médium» et «moyen d’expression» qui correspond ainsi à sa façon de voir l’art.

«Je fais appel à cette mémoire culturelle que nous avons sur la gravure. Je ne dessine pas des Hommes mais des silhouettes d’Hommes. C’est ainsi que je me distingue.»

Maoual

Il aura toutefois fallu attendre les années 2000, quand le Maroc commençait à s’ouvrir un peu plus à l’art, pour voir cet artiste, qui s’est produit dans plusieurs villes et capitales européennes, exposer dans son pays d’origine. «A ma première exposition au Maroc, en 2011, j’étais déjà vieux», ironise aujourd’hui le sexagénaire.

«Ce n’est pas de la vanité mais il fallait tout de même montrer mon travail au Maroc où j’ai commencé mon apprentissage. Il fallait quand-même montrer ce résultat car l’Etat, la famille et tout le monde a investi quelque part dans ce produit qu’on appelle Maoual», explique-t-il.

Un art qui fait aujourd’hui partie des collections permanentes du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat, de la Bibliothèque nationale de France à Paris, du Fonds communal d’art contemporain de Marseille et de l’Institut du monde arabe à Paris.

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