Politique

Reconnaissance américaine du Sahara: le couronnement d’une alliance séculaire

via Le360

Forte par sa symbolique, concrète par ses implications, la décision historique du président américain de reconnaître la marocanité du Sahara est le cheminement logique d’une relation singulière liant les deux pays. Retour sur vingt ans d’intenses concertations où la crédibilité du Royaume a été déterminante.

Jared Kushner, conseiller principal à la Maison Blanche, a atterri cet après-midi à l’aéroport de Rabat, accompagné du Conseiller à la Sécurité nationale d’Israël, Meier Ben Shabbat ainsi que de l’assistant spécial du président des États-Unis d’Amérique et représentant spécial pour les négociations internationales, Avrahm Joel Berkowitz. Cette prestigieuse délégation américano-israélienne a eu l’honneur d’une audience royale pendant laquelle le Souverain « a réitéré sa pleine satisfaction quant aux résultats historiques de l’entretien avec le Président des Etats-Unis d’Amérique ». Cet entretien historique, du 10 décembre 2020, au cours duquel a été annoncée cette décision éminemment historique de la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis d’Amérique.

 

Une semaine auparavant, le chef de l’Etat américain avait signé́ une proclamation présidentielle portant décision des Etats-Unis d’Amérique de reconnaître, pour la première fois, la pleine souveraineté du Royaume du Maroc sur l’ensemble de son territoire. Un acte de la plus haute autorité américaine, dont la forme n’est pas anodine. La proclamation est un acte solennel qui marque plusieurs jalons de l’histoire américaine. Pour s’en rendre compte, il suffit de citer la proclamation présidentielle de l’abolition de l’esclavage, signée par Abraham Lincoln.

 

Une décision, des implications

Une proclamation présidentielle est aussi une décision souveraine ayant une force juridique et institutionnelle inébranlable, quelle que soit la tendance politique du Président. Pour preuve, elle prend effet dans l’immédiat. C’est ainsi que l’administration américaine a procédé, au lendemain de cette annonce, à tous les changements qui s’imposent: l’ensemble des cartes du Maroc ont été rectifiées avec la suppression « des pointillés imaginaires » au sein de l’ensemble des départements américains. Tous les rapports provenant de ces derniers ne devraient plus séparer le Maroc de son Sahara. Autrement dit, le terme « Sahara occidental » est désormais banni dans les documents officiels américains. Mieux encore, les Etats-Unis procèderont, quand le moment sera opportun, à la révision de l’ensemble de leurs accords, de manière à refléter cette nouvelle position quant au Sahara. Une position qui a d’ailleurs été officiellement notifiée au Congrès américain. Mais pas seulement…

 

Etant porte-plume des résolutions sur la Sahara au Conseil de sécurité́, les Etats-Unis ont également informé cet organe exécutif de l’ONU (dont ils sont membres permanents) ainsi que le Secrétaire général de cette organisation, du contenu de cette proclamation. La proposition marocaine d’autonomie y est considérée comme la « seule base pour une solution juste et durable au différend sur le territoire du Sahara ».

 

Cette décision vient affermir et donner du sens à̀ toutes les déclarations qui avaient été précédemment formulées par les plus hauts responsables américains, des administrations républicaines comme démocrates, durant ces deux dernières décennies. Il s’agit de l’aboutissement d’intenses concertations, au cours desquelles la force de conviction du Royaume a fini par payer: la diplomatie chérifienne, sous la conduite du roi Mohammed VI, a su convaincre ses interlocuteurs de la justesse de sa cause. Au-delà des confidences en privé faites par les hauts responsables de Washington à leurs homologues marocains (dont certaines resteront peut-être secrètes à jamais), une pléthore de lettres, de déclarations et de communiqués officiels, retracent le sentier qui a conduit à cette récente proclamation.

L’adhésion des Etats-Unis au plan d’autonomie ne date pas d’aujourd’hui

Dès 1999, un « Action Memorandum » a été́ entériné pour matérialiser la vision de l’Administration Clinton pour « une solution politique négociée, basée sur le compromis et sur un plan d’autonomie large qui respecte la continuité́ de la souveraineté́ du Royaume » sur le Sahara. Entre 2000 et 2003, l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker, alors envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, s’était engagé à suivre cette voie et le président George W. Bush avait adressé́ une lettre au roi Mohammed VI. Il exprimait alors le « plein soutien des Etats-Unis aux propositions d’autonomie avancées par le Maroc ». 

 

Ces propositions d’autonomie, le Royaume les a formulées concrètement auprès de l’ONU, en avril 2007, dans le cadre de son plan d’autonomie, qui a récolté une multitude de déclarations de soutien, y compris d’officiels américains. Le président Bush avait même adressé une nouvelle lettre au souverain, en juin 2008, pour qualifier ce plan de « sérieux et crédible », tout en soulignant que les Etats-Unis estiment « qu’un Etat indépendant n’est pas une option envisageable et réaliste ». Une position qu’il a réitérée dans sa dernière lettre officielle, adressée au Roi en décembre 2008, où il martèle deux messages forts: « l’indépendance est une option irréaliste »; le « plan d’autonomie marocain comme seule solution ».

L’avènement de l’administration Barack Obama en 2009 a été, elle aussi, jalonnée d’importantes expressions de la pleine compréhension de la solution proposée par le Royaume. En novembre 2009, l’ancienne secrétaire d’Etat Hillary Clinton avait publiquement déclaré le soutien de l’Administration Obama au plan d’autonomie marocain en le qualifiant de « sérieux, crédible et réaliste ». Les mêmes termes ont été repris par le président Obama quand il avait reçu le roi Mohammed VI dans le Bureau ovale, en novembre 2013, ainsi que dans le communiqué conjoint sanctionnant cette visite royale. Deux ans plus tard, l’ancien secrétaire d’Etat John Kerry avait lui aussi utilisé le même triptyque, « sérieux, crédible et réaliste », pour qualifier, laudateur, le plan d’autonomie marocain.

 

La souveraineté du Royaume sur son Sahara et le plan d’autonomie marocain ont toujours été soutenus par Washington, pas seulement par la Maison Blanche, mais aussi de l’autre côté du Potomac, sur la colline du Capitole. Entre 2006 et 2010, pas moins de quatre lettres ont été adressées par des élus aux président ou aux secrétaires d’Etat, plaidant la cause marocaine. Ces missives cumulent quelque 564 signatures de Congessmen des deux bords, qui ont défilé ces dernières années. Depuis 2015 d’ailleurs, le Congrès entérine systématiquement, dans sa loi budgétaire fédérale, l’inclusion des Provinces du Sud comme partie intégrante du Royaume, éligible à toute forme d’aides ou de prêt américains.

 

Un tournant majeur

C’est dire que la majorité́ des décideurs américains soutiennent depuis des années le Royaume et considèrent son intégrité́ territoriale comme une ligne rouge à ne pas franchir. Un démenti aux allégations d’une minorité́, connue pour son soutien incompréhensible à un mouvement séparatiste, de plus en plus isolé car encore coincé dans ses percepts marxistes. Il se retrouve aujourd’hui acculé devant cette décision américaine qui donnera un souffle nouveau à̀ une dynamique déjà vertueuse et soutenue consacrant la marocanité́ du Sahara. D’ailleurs, réconfortés par les positions de soutien exprimées sur le terrain par un ensemble de pays amis, qui ont décidé́ d’ouvrir des consulats dans les Provinces du Sud, les Etats-Unis d’Amérique ont, à leur tour, annoncé l’ouverture d’un consulat à Dakhla. A portée diplomatique, cette ouverture aura une vocation essentiellement économique, en vue d’encourager les investissements et la contribution au développement local.

 

Cette décision se veut aussi un tournant majeur et historique dans les relations séculaires entre deux pays. Elle vient renforcer et rehausser un partenariat stratégique bilatéral au caractère singulier, remontant à des siècles. Le président Trump n’a pas d’ailleurs manqué de rappeler, ce fameux 10 décembre, que le Royaume a été le premier pays à reconnaître les Etats-Unis en 1777, lors du règne du Sultan Mohammed III. Depuis lors, les deux nations se sont toujours retrouvées du même côté de l’Histoire: lorsqu’il s’agissait de sécuriser le commerce maritime, ou quand il fallait barrer la route au nazisme, quand elles se devaient de faire face aux vicissitudes adverses de la guerre froide… Ou, tout récemment encore, pour lutter de concert contre le terrorisme.

 

D’ailleurs, en 2004, le Maroc a été́ désigné́ allié-majeur des Etats Unis hors-Otan et le Royaume se distingue comme étant l’unique pays africain à avoir conclu un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Aujourd’hui, les deux pays déploient une coopération stratégique visant la consolidation de l’interopérabilité́ entre leurs forces armées. Une interopérabilité́ renforcée, ces dernières années, à travers des manœuvres militaires conjointes exemplaires. Elle s’est vue récemment renforcée par la signature d’un mémorandum incluant le développement d’une industrie militaire nationale, conformément à la volonté du souverain. Et le meilleur reste à venir, puisque cette proclamation américaine n’est, au final, que le renouvellement d’une alliance qui a toujours revêtu un caractère unique, appelée désormais à prendre un nouvel élan.

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